Extrait

Au bois dormant; Duel au jardin ; dann vant shoniy; monologue d'une chenille.LES TRIBULATIONS DE LA MATEUSE DE CHENILLES
 

... AU BOIS DORMANT
Joëlle BRETHES

ELLE ouvrit un oeil, s'étira et regarda autour d'elle. C'était magnifique!

Aussi loin que portait son regard, des verts pâles, émeraude, vifs, sombres, ondulaient sous une brise tiède: une véritable symphonie! Ils se frôlaient, se superposaient, se mêlaient... Au-dessus d'elle, le bleu s'installait, s'intensifiait poussant un peu plus loin, mais où donc? la sombre couverture aux points d'or, qu'elle avait, peu avant, cru entrevoir frangée de lueurs rouges et fauves.

Elle bâilla, s'avisa qu'elle avait faim, et envie de dégourdir ce corps qui n'avait pas fonctionné depuis... depuis... Mais elle eut beau réfléchir: sa mémoire était désespérément vide.

D'où venait-elle?...(A suivre)

DUEL AU JARDIN
Claude-Admira GUILLON-LABETOULLE

Au milieu du siècle passé, en ces temps obscurs où rares étaient les distractions et les postes de télévision, on s’occupait le soir. On « faisait la veillée » rassemblés, l’hiver autour du feu, l’été sur le banc du jardin. Ma grand-mère aimait à nous raconter toutes sortes d’histoires, parfois vraies, parfois un peu bizarres.

L’une de mes préférées était celle de la chenille et de l’araignée. Elle commençait ainsi :

A l’aube de l’humanité, toutes les créatures parlaient ou du moins les humains les comprenaient. Et c’est ainsi qu’un de mes très lointains ancêtres avait un soir surpris une conversation au détour d’une allée du jardin. Une chenille un peu craintive, était fort occupée à brouter de belles salades vertes et charnues, croquantes à souhait. Cependant, de temps en temps elle s’interrompait pour tourner la tête, histoire de surveiller l’araignée qui avait tissé sa toile dans les branches du manguier, juste au-dessus de sa tête. Méfiante, dès qu’elle voyait la toile tressaillir ou onduler, elle se mettait en boule comme pour se protéger. A la longue , l’épeire agacée du manège finit par l’apostropher sèchement.

« Hé ! ma commère ! ça devient insultant à la fin, votre petit manège ! Quelles mauvaises manières ! Dès que vous me voyez approcher, on dirait que vous tenez à me montrer que vous m’ignorez !

- C’est que, répondit la chenille d’une voix mal assurée, je ne peux pas voler aussi vite qu’un moustique ni virevolter comme un papillon et….si votre dentelle venait à ma tomber dessus, …adieu la vie !

- Quelle idée saugrenue ! dit l’épeire en colère,..... (à Suivre)

DANN VANTE SHONIY
Céline Huet

Ièrosoir, parla minui, gramoune Grokilo té fine boir son lamandoz. Rèzman po li ! Sinonsa li noré gaingne la tranblad é li noré pèrd son bann kilo an plas la mèm dann bor shomin. Rèzman osi, kanmèm son lanrouli, li lé pa in gogoz, sinonsa zamé li noré rotrouv son shomin po artourne son kaz. Sèt la ariv ali ièrosoir kan li té fine kal son lamandoz, sé rienk li mèm èk Bondié lé témoin. In zafèr komsa, sa i ariv zamé in moune normal kom moin, in moune i boir pa la rak, i dor bonèr èk poul. Non ! Sa i ariv toultan in gramoune kom Grokilo, in gramoune la barb dégréné, in gramoune i trouv na zamé asé boutèy son kaz po dans sanm li. Alor, in gramoune komsa, olèrk pran trankilman dirèksion la port la shanm po kraz in somèy, sa i préfèr détak baro alé. Marsh dann gro fénoir kan la zanm i flansh é kan lo zié i klignote lé pa fasil ditou. Mé, kan ou lé antréné, ou pé fé omoin san mèt avan shavir dann in kivèt. Sé sèt la ariv gramoune Grokilo dèk li la anbèk la désante shomin zigzag, zis dovan mon baro..... (A suivre)

MONOLOGUE D'UNE CHENILLE
Huguette Payet

La Chenille:
Que suis-je venue faire là, accrochée à cette immensité verte par des pieds en double rangée?
Centimètre de vie à rayures qu'on a ici abandonné, à quoi suis-je donc destinée?
Je m'accroche, je m'accroche à mon univers à l'envers et j'ai peur, j'ai très peur...

Le choeur des acariens:
Elle a très peur! Elle a très peur!

La Chenille:
Que puis-je faire avec mes pieds?
Et si j'essayais d'avancer?
Soulever. Poser. Pour chaque paire de pieds, recommencer. Synchroniser. En cadence cette fois!
Ç
a y est! J'avance à pas comptés sur la feuille où je suis née!!

Le choeur des acariens:
Elle a marché! Elle a marché!... (à suivre)

LES TRIBULATIONS DE LA MATEUSE DE CHENILLES
Monique MERABET
Chapitre I 
CHENILLE OU PAPILLON ?

Lorsqu’on se promène en un jardin fleuri, on s’émerveille des beautés de la nature ainsi offertes à nos sens ébahis. Et l’esprit baguenaude en mille interrogations.

C’est ainsi que, savourant la grâce d’un aérien ballet de papillons et songeant à l’incroyable métamorphose qui les fait naître de pesantes chenilles, je me suis souvent demandé qui, de la chenille ou du papillon, a fait le premier son entrée sur la scène de la vie... côté ciel ou côté terre ?

Bon ! penserez-vous, la voilà prête à nous servir une tartine de philosophie bien rassise, un remake du « qui de l’oeuf ou de la poule... etc, etc ? » Sujet éculé, s’il en fut !

Permettez ! Permettez ! Mon questionnement est à mille coudées au-dessus de ces vulgaires ratiocinations aviaires. En effet, l’oeuf dont éclot la poule et la poule qui pond son oeuf, sont de même nature; de l’oeuf matrice sortira un poussin génétiquement et physiquement identique à sa mère... développement embryonnaire fort banalement répandu dans le règne animal. Tandis que chenille et papillon sont des êtres fort différents l’un de l’autre et ils mènent une existence différenciée sous l’une ou l’autre forme. C’est une véritable alchimie créatrice de la nature qui permet de sublimer la pesanteur de l’une en la légèreté de l’autre.

Rien de plus légitime donc, que de s’interroger sur l’état primordial de ces sympathiques lépidoptères (sympathiques surtout sous leur forme ailée, il va sans dire..).

Est-ce la forme « chenille » qui, la première, engendra un papillon dont les oeufs, conditionnés à l’origine, revinrent à leur aspect primitif ? Chassez le naturel, il revient au galop...(à suivre)