Animation autour de Lacaussade

    Le jeudi 2 février, "Leconte de Lisle" recevra "Lacaussade" pour un récital permettant aux élèves de faire le point sur la vie et les oeuvres du grand poète réunionnais dont les cendres seront rapatriées sur l'île le 7 février. 


Les fées préparent le récital autour d'une galette des rois

 Biographie de Lacaussade

Né le 8 février 1815 à Saint-Denis sur l'Isle Bourbon (actuelle Réunion), Lacaussade est mort à Paris le 31 juillet 1897. Reposant jusqu'alors au cimetière Montparnasse, il rejoindra au début du mois de février 2006, son île où de grandes fêtes commémoratives sont en cours de préparation. Il ira ensuite reposer à Hell-Bourg, dans le cirque de Salazie, auprès d'un de ses grands amis, lui aussi poète et grand amoureux de la Réunion: l'écossaisWilliam Falconer.

Plus que n'importe quel poète du 19ème siècle, Lacaussade portait « le soleil noir de la mélancolie » évoqué par Nerval. Il n'a connu, pendant toute sa vie que déceptions et trahisons.

Auguste Lacaussade est né, première farce du destin, de l'union libre d'un avocat bordelais, Pierre-Augustin Cazenave de Lacaussade et d'une libre « de couleur » Fanny-Lucile Desjardins. Dans cette société raciste de l'époque, les instances civile et religieuse interdisaient en effet les mariages « mixtes ». Si l'on se réfère au documents de l'époque, il est ainsi précisé que le petit Auguste, de sexe masculin, est né le 8 février 1815 à 3 heures du matin et qu'il a été « déclaré » par le Sieur Lacaussade, le 31 mai 1815 sur « réquisition » de la mère, Fanny dite Desjardin ! La formulation dit bien ce qu'elle veut dire : c'est Fanny qui a dû intervenir pour que le "le sieur Lacaussade" déclare son rejeton..

Quels que soient les heurs et malheurs de la prime enfance d'Auguste, dont on ne sait pas grand chose, il n'en est pas moins vrai que, mulâtre et bâtard, il ne pouvait poursuivre ses études au Collège royal de Bourbon. Celui-ci étant réservé aux Blancs légitimes, la seule possibilité pour l'enfant d'accéder au savoir était de s'exiler. En 1825, à peine âgé de dix ans, il était donc privé de vie familiale, dans cette France continentale située à 10 000 km de son île natale ensoleillée.

Nietzsche qui énonçait que « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort » avait raison: non seulement Lacaussade survécut, mais il devint l'un des plus brillants élèves de l'institution nantaise (la pension Brieugne) dont il suivait les cours. L'envie d'une légitime revanche lui avait donné l'énergie et la persévérance nécessaires au succès.

On trouve l'écho de sa lassitude dans cet extrait des "Bois Détruits" où il s'adresse à l'île, sa "mère", pour évoquer les heures sombres de son destin.

Voir poèmes 1 et 2
 

Comme Leconte de Lisle, son compatriote, d'abord son protégé et ami avec lequel il eut ensuite bien des problèmes, Lacaussade passa la majeure partie de son existence en Métropole. Deux courts séjours à Bourbon, le confortèrent dans l'idée qu'il ne pourrait jamais s'intégrer à la société esclavagiste de l'île et qu'il devrait faire sa vie en Métropole.

* Son premier retour à Bourbon se situe en 1834 où il reste deux années. Il est alors clerc de notaire à Saint André et il déteste la mentalité de la bourgeoisie qu'il est amené à côtoyer. Cette situation étant loin de le satisfaire, il arrache à sa mère l'autorisation de retourner sur le continent pour « suivre des études de médecine. »

* Son deuxième et dernier séjour se déroule de 1842 à 1844. Il vient alors de perdre le premier enfant que lui a donné Laure-Lucie Déniau épousée en 1840, et c'est plein de nostalgie que le poète revient sur les lieux de sa propre enfance. C'est peut-être aussi pour lui, comme le suggère son biographe, Raphaël Barquissau, une occasion de participer aux campagnes locales pour l'abolition de l'esclavage et montrer ce qu'il est devenu: un auteur dont on parle. Mais c'est la déception: il est connu essentiellement dans les milieux littéraires parisiens et il est vain de prêcher, sur l’île, une abolition qui contrarierait trop d'intérêts économiques... Cela ne l'empêche pas de clamer son indignation devant l'esclavage et son admiration pour les Noirs qui s'en affranchissent en se réfugiant dans la montagne.

Voir poème 3
 

De retour -définitif- en Métropole Lacaussade devient, en 1844, le secrétaire du fameux écrivain et critique littéraire, Sainte-Beuve, et il rejoint les abolitionistes groupés autour de Victor Schoelcher.

Il fait paraître des articles dans la Revue des Deux Mondes et dans la Revue de Paris; Sainte Beuve qui l'a pris sous sa protection lui fait également obtenir l'emploi de critique au Moniteur Universel. En 1872, il est promu bibliothécaire du Sénat.

Polyglotte maîtrisant l'anglais, l'italien, le polonais, le grec et le latin, il entreprend de traduire le « barde écossais » Ossian alias James McPherson (1842), le Polonais Krasinsky (1846) les Grecs Anacréon et Horace (1861 puis 1876) et enfin l'Italien Léopardi (1889).

S'il a pratiqué le journalisme et la critique, il a aussi à son actif une oeuvre littéraire qui, même si elle n'est pas très prolifique n'en est pas moins remarquable: Lacaussade a inauguré avec Parny une poésie créole célébrant la nature de l'île tropicale.

En 1839, il avait dédié Les Salaziennes à l'un de ses contemporains célèbres qu'il admirait profondément: Victor Hugo; il fait paraître, en 1852, Poèmes et Paysages, dans lesquels il reprend, entre autres textes certaines Salaziennes modifiées, et enfin en 1861 il publie Les Épaves.

Comme le laissent entendre les deux premiers titres, l'oeuvre de Lacaussade est donc principalement axée sur la description de l'île tropicale. Le poète le proclame haut et fort dès les premiers vers: il célèbre Bourbon qui l'a enchantée dans son enfance, qu'il a rêvée et magnifiée pendant son premier exil. Sa vision n'est pas qu'idyllique, pourtant, puisque l’île qu'il a retrouvée lors de son premier bref séjour de 1834 à 1836 est aussi celle qu'il montre blessée par l'esclavage, et dont il peint les ravages provoqués par les gros propriétaires blancs qui défrichent à tout va pour implanter la canne à sucre, source de profits.

Voir poème 4, 5, 9 et 10
 

Lacaussade n'est pas toujours aussi dur que le laissent supposer les extraits déjà cités. Il peut également exprimer une nostalgie très douce et, même évoquer l'amour:

Voir poèmes 6, 7 et 8
 

Lacaussade, le « ténébreux, [...] l'inconsolé » a donc porté toute sa vie le mal-être engendré par sa situation particulière de bâtard et de métis, doublement en-dehors des critères sociaux de l'époque. Mais il peut justement être fier d'avoir été l'un des premiers chantres de son île natale. C'est d'ailleurs ce qu'il exprime dans ce 11ème poème qui clôt le recueil Poèmes et Paysages: